samedi 20 juillet 2013

Henri Alleg, un militant communiste

Henri Alleg vient de mourir.
     Il aura été tout sa vie un militant communiste maintenant jusqu'au bout sa conviction que l'avenir est au communisme.
     Il fut un dirigeant du Parti Communiste Algérien dont un certain nombre de militants payèrent de leur vie leur engagement.
     Hébergé dans la clandestinité à Alger par la famille Audin, il fut arreté avec Maurice Audin en juin 1957 lors de la bataille d'Alger. Lui et Maurice furent torturés comme l'avaient été avant eux de nombreux militants du FNL. Maurice Audin mourut sous la torture ou fut assassiné. Henri Alleg survécut. Il allait connaitre de nombreuses années de prison.
      La Question est un témoignage irremplaçable sur ce que l'Etat bourgeois et ses sbires sont capables d'infliger.
      Une pensée émue pour ce militant, que j'adresse aux anciens du PCA ou à leurs proches que je croise à Argenteuil et Bezons, et plus particulièrement à Madame Audin. DM




A lire :
La Question, éditions de Minuit ;
Prisonniers de guerre, éditions de Minuit ;
Mémoires algériennes, Stock.

Brève du site lutte ouvrière.org du 22.07.12.

Henri Alleg, journaliste et militant du PCF, vient de mourir. En juin 1957, directeur du quotidien Alger républicain, il était arrêté par les parachutistes et torturé pendant un mois.
Il rédigea en prison la Question, le récit glaçant des sévices subis. Saisi et interdit dès sa publication en 1958, la Questioncircula clandestinement.
Mais il faut rappeler que l’armée avait reçu les pleins pouvoirs de Guy Mollet, chef socialiste du gouvernement. Les députés du PCF avaient voté ces pouvoirs spéciaux qui permirent d’accentuer la répression. Durant cette période, Alleg assuma toutes les ambiguïtés, pour ne pas dire les capitulations de son parti, y compris vis-à-vis de la politique coloniale du gouvernement. Mais Henri Alleg restera comme un militant dont l’engagement et le courage, dans des circonstances difficiles, forcent le respect.


Tortures en Algérie : un article de l'hebdomadaire Lutte Ouvrière de décembre 2000

Tortures en Algérie - Des exactions dénoncées dans les années soixante : des livres qui témoignent

"La Question" d’Henri Alleg - "La torture dans la République (1954-1962)" Pierre Vidal-Naquet - "Le peuple algérien et la guerre" de Patrick Kessel et Giovanni Pirelli - "Les harkis à Paris" et "Ratonnades à Paris" de Paulette Péju - "Le désert à l’aube" de Noël Favrelière.
Dans La Question, un livre paru en 1958, enpleine guerre d’Algérie, Henri Alleg, militant communiste, directeur d’Alger républicain, un journal interdit en septembre 1955, témoignait des tortures qu’il avait subies durant sa détention dans l’une des geôles clandestines de l’armée française à Alger, alors sous contrôle de la 10e division parachutiste du général Massu. Accusant nommément les responsables militaires de torture, le témoignage bouleversant d’Henri Alleg provoqua un choc dans l’opinion publique et suscita un scandale dans la presse française et internationale.
Dans son étude historique La torture dans la République (1954-1962), parue au lendemain même de la guerre d’Algérie, Pierre Vidal-Naquet dénonçait également la torture pratiquée par la police et l’armée. S’appuyant sur des informations précises (qui n’ont jamais fait l’objet d’aucun démenti), l’auteur mettait en évidence dans son livre l’enchaînement qui amena le gouvernement socialiste de l’époque à s’engager dans la guerre, à y intensifier la répression et à signer un chèque en blanc à l’armée en Algérie. Dès 1955, l’état d’urgence fut instauré sur l’ensemble du territoire algérien. Cela allait laisser libre cours à la soldatesque, désormais débarrassée des contraintes d’une légalité qui, de toute façon, ne s’y était guère appliquée jusqu’alors.
Sous les ordres du général Massu et du colonel Bigeard, les militaires torturaient, massacraient les Algériens qui combattaient (ou étaient suspectés de combattre) pour l’indépendance de leur pays. Ces militaires français étaient couverts au plus haut niveau de leur hiérarchie, mais aussi par les hommes politiques au pouvoir, de Robert Lacoste en poste en Algérie à Pierre Mendès-France, Edgar Faure, Max Lejeune, Guy Mollet, François Mitterrand qui étaient ministres.
Le livre de Vidal-Naquet met en évidence la responsabilité du gouvernement, et y compris sa responsabilité dans l’usage des pires moyens utilisés dans cette répression. Le silence et le mensonge permanent étaient de règle de la base au sommet de l’Etat, du planton au ministre en exercice. Le système de la torture se développa à l’ombre et avec la complicité du pouvoir politique.
Patrick Kessel et Giovanni Pirelli publiaient, eux, dès 1963 dans Le peuple algérien et la guerre, aux éditions François Maspero, des centaines de témoignages, de lettres, de plaintes de militants algériens torturés par l’armée en Algérie, d’ouvriers ou d’étudiants algériens victimes des sévices de la police française dans la capitale, sans oublier les appels des internés dans les camps en Algérie, etc.
René CYRILLE
("La torture dans la République" de Pierre Vidal-Naquet, "La Question" d’Henri Alleg, sont publiés, aujourd’hui, aux Editions de Minuit. "Le peuple algérien et la guerre" de Patrick Kessel et Giovanni Pirelli, depuis longtemps introuvable, peut se consulter en bibliothèque.)
RATONNADES A PARIS précédé de LES HARKIS À PARIS de Paulette Péju (Ed. La Découverte, 59 F)
Paulette Péju, journaliste, écrivit ces deux petits livres dans l’urgence. Ils furent immédiatement saisis par la police dans les locaux de l’imprimerie. Ils témoignent des méthodes mises en oeuvre à Paris sous les ordres du préfet de Police Papon contre la population d’origine algérienne pour tenter de détruire l’organisation du FLN implantée en son sein. Méthodes qui n’avaient rien à envier à celles de Bigeard et de Massu en Algérie.
A. V.
LE DÉSERT À L’AUBE de Noël Favrelière (Edition de minuit : 89 F)
Noël Favrelière, rappelé en 1956 dans un régiment de parachutistes, déserta quelques semaines après son arrivée en Algérie. Il sympathisait déjà avec la cause du peuple algérien. Ses années de service militaire passées là-bas lui avaient fait comprendre la misère dans laquelle vivait celui-ci, et prendre conscience de l’oppression coloniale.
Lorsqu’il fut renvoyé en Algérie en juillet 1956, Noël Favrelière y vit les jeunes rappelés entraînés par leurs officiers à pratiquer les exécutions sommaires et à violenter la FLN dont il avait la garde, le sauvant d’une mort certaine et à partir avec lui. Fuyant dans le désert la nuit, se cachant le jour, tous deux rejoignirent les maquis de la frontière tunisienne, où Noël Favrelière combattit aux côté du FLN.
Publié en 1960, ce livre, où Noël Favrelière raconte comment il quitta l’armée française pour passer du côté des combattants algériens, fut saisi une semaine après sa parution, et interdit. Il était, et reste encore, le témoignage de ce que les gouvernements qui menèrent la sale guerre d’Algérie firent subir à la population de ce pays, mais aussi aux soldats envoyés là-bas pour la réprimer

                                                                   D.M.

Livret A, le gouvernement fait main basse sur le livret

Le gouvernement a annoncé la baisse du taux du Livret A de 1,75% à 1,25% à partir du 1er août, ce qui affectera surtout les familles populaires. Il a justifié cette décision en expliquant que cela donnerait un « coup de pouce » au financement et à la construction de logements sociaux.
Cela, c’est le prétexte. La vérité, c’est que pour donner encore plus d’argent aux constructeurs comme Bouygues et compagnie, le gouvernement a choisi de faire encore une fois les poches des épargnants.Share on facebook

vendredi 19 juillet 2013

Aérogare de Roissy : le règne de la précarité. Une correspondance de l'hebdomadaire Lutte Ouvrière de cette semaine

Aérogare de Roissy : le règne de la précarité

Roissy est le plus grand aéroport du pays avec des avions qui s'envolent vers des destinations de rêve... et un personnel qui galère. Quelques exemples.
     Le voyageur qui arrive avec sa mère âgée est accueilli par des employés qui proposent de la véhiculer en chaise roulante : Passerelle (une filiale d'Air France) et Samsic (PHMR) assurent ce service. Très bien. Ce qui l'est moins, c'est qu'une partie du personnel est intérimaire, convoqué du jour au lendemain, vivant dans la hantise de rater le coup de fil du soir qui procure le travail du lendemain.
     Dans les halls, du personnel de nettoyage s'active. Il dépend de sociétés comme ONET. Du personnel précaire, lui aussi. Lorsque le Hall B du terminal 2 a fermé pour travaux début avril, bien des contrats n'ont pas été renouvelés. Pourtant, des toilettes ou des halls à nettoyer, ce n'est pas ce qui manque dans les aérogares !
     Aéroport de Paris (ADP) a développé des magasins qui lui rapportent beaucoup. Du personnel souvent précaire, là encore. Avec la fermeture du 2B, des employés des boutiques Relay ont eux aussi perdu leur emploi. Des kiosques Relay, on en voit pourtant partout en France, mais leur patron étant un gérant « indépendant » n'ayant que deux magasins, il disait ne pas pouvoir les reprendre.
      Roissy c'est aussi le règne du temps partiel imposé. Le groupe 3S (une société de services) impose des contrats de 90 heures par mois. Dans les entreprises de sûreté, ICTS offre des contrats de 86 ou 120 heures par mois, la Brinks, 28 heures la semaine, etc. Mais comment vivre avec moitié ou deux tiers d'une paye quand on a déjà du mal avec une paye entière ? Et de plus en plus, les patrons introduisent dans les plannings des coupures non payées d'une, deux ou trois heures. Ils voudraient ne faire travailler les salariés que le temps du vol : Sodaic ou Securifort les emploient 4 ou 5 heures, pour une présence de 9 à 10 heures sur l'aéroport.
      Même en CDI, les emplois sont précaires. Aéropass (qui fait partie du groupe Transdev) veut supprimer 49 emplois parmi les chauffeurs des cars qui amènent les passagers aux avions. Dès qu'Air France a annoncé son plan d'économies, aussitôt Transdev l'a répercuté et annoncé des suppressions d'emplois.
      Roissy... les avions décollent, les profits aussi, les conditions de travail et de paye font du rase-mottes.

                                                           Correspondant LO
Derrière, des dizaines de milliers de travailleurs précaires.

Algérie : 14 juillet 1953, répression sanglante contre les Algériens à Paris. Un article de l'hebdomadaire Lutte Ouvrière de cette semaine

Il y a soixante ans, le 14 juillet 1953 : répression sanglante contre les Algériens à Paris

Le 14 juillet 1953, un imposant cortège de travailleurs maghrébins, algériens en majorité, se joignait à la traditionnelle manifestation parisienne organisée par le PCF et la CGT de la Bastille à la Nation. Les mots d'ordre des organisateurs, réclamant le droit d'apprendre un métier, des logements décents et du travail, laissèrent vite la place à ceux réclamant l'indépendance.
     Les militants du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, le MTLD, dont le dirigeant était Messali Hadj, le principal mouvement nationaliste alors très influent parmi les travailleurs algériens, brandirent des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « À bas le colonialisme ». Au moment de la dispersion, les policiers se déchaînèrent contre les manifestants maghrébins. Ils ne se contentèrent pas de frapper à coups de matraque. Des coups de feu furent tirés, laissant sur le pavé sept morts, six jeunes ouvriers algériens et un syndicaliste CGT, et de nombreux blessés.
     Le président du Conseil, Joseph Laniel, couvrit immédiatement la répression, soutenant les policiers assassins. Le soir même, le ministre de l'Intérieur, Léon Martineau-Déplat, déclara que les Algériens avaient ouvert le feu les premiers, cherchant à accréditer la thèse de la légitime défense échafaudée par la préfecture de police. Le journal de droite L'Aurore, dans son numéro du 15 juillet 1953, titrait : « Ce 14 juillet a été, hélas ! ensanglanté par une émeute communiste » ajoutant dans un sous-titre : « Deux mille Nord-Africains attaquent sauvagement la police place de la Nation. » Le 17 juillet, un article du journal Le Figaro intitulé de manière significative les « Nord-Africains dans la métropole », exhortait à ne « plus laisser se maintenir et se renforcer dans la capitale ainsi que dans les régions du Nord, de l'Est et de Marseille des masses d'individus qui menacent périodiquement l'ordre public. On peut être généreux sans être dupe ou victime. » Le point de vue colonialiste haineux s'étalait ainsi à longueur de colonnes. Un an auparavant, la répression des manifestations organisées par le MTLD avait déjà fait plusieurs morts en France.
      En 1953, cela faisait déjà sept ans que l'impérialisme français menait une sale guerre en Indochine pour préserver cette partie de son empire colonial. Mais alors que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'agitation grandissait dans tout l'empire colonial français pour réclamer l'indépendance, il n'était absolument pas question pour l'impérialisme français de céder.
      Dans les jours qui suivirent la manifestation du 14 juillet, le Parti communiste français et la CGT condamnèrent la répression. Mais à aucun moment ils n'envisagèrent vraiment de riposter, et surtout ne reprirent aucunement la revendication pour laquelle six ouvriers algériens étaient morts.

Droite et gauche unies contre l'indépendance

En fait, aucun des partis et syndicats qui organisaient la classe ouvrière, pas même le Parti communiste, ne soutenait les peuples colonisés dans leur aspiration à l'indépendance.
En 1936, alors qu'il était au pouvoir, le gouvernement du Front populaire n'avait avancé qu'un timide projet consistant à donner le droit de vote à quelques nouveaux électeurs algériens, projet vite abandonné sous la pression des représentants politiques des colons. Un an plus tard, en 1937, le gouvernement socialiste s'attaquait directement au mouvement nationaliste algérien, arrêtant son dirigeant Messali Hadj et interdisant son parti l'Étoile nord-africaine. Tout cela fut ressenti comme une immense trahison par les peuples colonisés. La politique du PCF n'était pas différente : il affirmait alors que réclamer l'indépendance était faire le jeu de Hitler.
     À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Gouvernement provisoire issu du Conseil national de la résistance, présidé par de Gaulle et comportant des ministres socialistes et communistes, réprima dans le sang les manifestations du 8 mai 1945 en Algérie. Des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants furent assassinés par l'armée et les milices pieds-noires, pour les punir d'avoir réclamé l'indépendance le jour de la « Libération ». Derrière le mythe de la Libération, il y eut en fait l'union sacrée de tous les partis, y compris le PCF, pour reconstruire la puissance de l'impérialisme français, en métropole contre la classe ouvrière, et dans son empire contre les peuples asservis.
     Même si, en 1953, le PCF se prétendait alors un opposant radical au gouvernement, le peuple algérien se retrouva seul dans son combat pour arracher son indépendance et seul face à la répression de l'impérialisme français qui ne fit que s'intensifier par la suite.

                                                                                   Aline RETESSE