samedi 12 août 2017

Révolution russe de 1917 (8). Les débuts des "jounées d'avril"


Le début des « journées d’avril »

Dès la mi-avril 1917, il apparaît de plus en plus nettement aux yeux des ouvriers que le gouvernement provisoire, qui s’est installé après la révolution de Février, n’entend pas rompre l’alliance militaire avec la France et la Grande-Bretagne et avec la guerre elle-même. Les jusqu’au-boutistes soutiennent l’effort de guerre et son porte-parole au gouvernement, le libéral Milioukov, comme le relate Trotsky dans son Histoire de la Révolution russe.
« Le 17 avril, à Petrograd, eut lieu — vision de cauchemar — une manifestation patriotique d’invalides : une immense foule de blessés, sortis des hôpitaux de la capitale, amputés des jambes, des bras, enveloppés de pansements, s’avançait vers le palais de Tauride. Ceux qui ne pouvaient marcher étaient transportés sur des autocamions. On lisait sur les drapeaux : “La guerre jusqu’au bout”. C’était la manifestation de désespoir de débris humains de la guerre impérialiste qui voulaient que la révolution ne reconnût pas absurdes leurs sacrifices. Mais, derrière les manifestants, se tenait le parti cadet, plus précisément Milioukov, qui se préparait à frapper le lendemain un grand coup. »
Le lendemain, paraît en effet une note du ministre des Affaires étrangères réaffirmant les buts de guerre du tsarisme, qui fait, selon l’expression de Lénine, « l’effet d’une bombe ». Trotsky fait le récit de la mobilisation immédiate des masses ouvrières et de la troupe.
« Les bolcheviks, parmi les troupes et dans les usines, déployèrent une énergique activité. À la revendication “Chassez Milioukov” qui était une sorte de programme minimum du mouvement, ils ajoutèrent des appels placardés contre le gouvernement provisoire dans son ensemble et, au surplus, les éléments divers comprenaient cela de différentes façons : les uns comme un mot d’ordre de propagande, les autres comme la tâche du jour même. Lancé dans la rue par les soldats et les matelots en armes, le mot d’ordre “À bas le gouvernement provisoire !” introduisait fatalement dans la manifestation un courant insurrectionnel. De considérables groupes d’ouvriers et de soldats étaient assez disposés à faire sauter sur l’heure le gouvernement provisoire. (…) Une armée de vingt-cinq à trente mille hommes, descendus dans la rue pour combattre ceux qui prolongeaient la guerre, était parfaitement suffisante pour renverser un gouvernement même plus solide que celui à la tête duquel se trouvait le prince Lvov, Mais les manifestants ne s’assignaient pas ce but. Ils ne voulaient en somme que montrer un poing menaçant sous la fenêtre, afin que ces messieurs de là-haut cessassent de se faire les dents avec leur Constantinople et s’occupassent comme il fallait de la question de la paix. De cette façon, les soldats comptaient aider Kérenski et Tsérételli [respectivement ministre socialiste du gouvernement et un des dirigeants socialistes du soviet de Petrograd] contre Milioukov.
À la séance gouvernementale se présenta le général Kornilov, qui donna des nouvelles des manifestations armées à ce moment en cours et déclara qu’en qualité de commandant des troupes de la région militaire de Petrograd, il disposait de forces suffisantes pour écraser la sédition à main armée : pour marcher, il ne lui fallait qu’un ordre.
Présent par hasard à la séance du gouvernement, Koltchak raconta plus tard, au cours du procès qui précéda son exécution, que le prince Lvov et Kérenski s’étaient prononcés contre une tentative de répression militaire à l’égard des manifestants. Milioukov ne s’était pas exprimé nettement, mais avait résumé la situation en ce sens que messieurs les ministres pouvaient, bien entendu, raisonner tant qu’ils voudraient, ce qui ne les empêcherait pas d’aller loger en prison. Il était hors de doute que Kornilov agissait de connivence avec le centre cadet.
Les leaders conciliateurs réussirent sans peine à persuader les soldats manifestants de quitter la place du palais Marie [siège du gouvernement] et même à leur faire réintégrer les casernes.
L’émotion soulevée en ville ne rentrait cependant point dans ses bords. Des foules s’assemblaient, les meetings continuaient, on discutait aux carrefours, dans les tramways l’on se partageait en partisans et adversaires de Milioukov. »

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire