lundi 26 mars 2012

L'internationalisme : un article du blog de Nathalie Arthaud

Un article (http://www.nathalie-arthaud.info/) que nous reprenons totalement à notre compte (PC et DM)


L’Internationale sera le genre humain

"Au-delà de l’hor­reur des faits eux-mêmes, il y a une des consé­quen­ces du drame de Toulouse qui risque fort d’empoi­son­ner une cam­pa­gne qui vole déjà bien bas. J’entends déjà la droite et l’extrême droite se jeter comme des cha­ro­gnards sur cette ter­ri­ble actua­lité pour dis­til­ler leurs men­son­ges et leurs stu­pi­di­tés xéno­pho­bes. Avec pour résul­tat que toute cette fin de semaine, j’ai été inter­ro­gée encore et encore par les jour­na­lis­tes sur le « danger sala­fiste » en France. Les sor­ties de Marine Le Pen ont appa­rem­ment porté leurs fruits.
     Je trouve insup­por­ta­ble de pro­fi­ter de ce drame pour relan­cer un débat sur l’immi­gra­tion. Dès le début des événements, j’ai dénoncé les arrière-pen­sées électorales des can­di­dats face à la tuerie de Toulouse. Eh bien, les faits n’ont pas mis long­temps à me donner raison ! Les voilà qui se ser­vent, sans ver­go­gne, des enfants tués devant l’école Ozar Hatorah pour dis­til­ler leur venin natio­na­liste – dans le but, encore, tou­jours, de divi­ser, de creu­ser un fossé entre les tra­vailleurs.
     Alors, face à ce défer­le­ment attendu de stu­pi­dité xéno­phobe, je tiens plus que jamais à affir­mer mon inter­na­tio­na­lisme. À affir­mer l’idée que pour moi, la seule divi­sion réelle qui existe dans la société n’est pas entre les peu­ples mais entre les clas­ses socia­les, entre les riches et les pau­vres, entre les exploi­teurs et les exploi­tés, quelle que soit leur natio­na­lité.
     La plu­part des can­di­dats enta­ment leurs dis­cours en don­nant du « chers com­pa­trio­tes », quand ce n’est pas « Françaises, Français ». Moi, comme l’a fait Arlette Laguiller pen­dant toutes les années où elle a repré­senté Lutte ouvrière, je démarre tou­jours par « Travailleuses, tra­vailleurs » Ce n’est pas, comme le disent bon nombre de jour­na­lis­tes, une « marque de fabri­que » – c’est-à-dire une espèce de « truc de com’ » – mais l’expres­sion de convic­tions pro­fon­des : il y a un cer­tain nombre de « Français » aux­quels je n’ai aucune envie de m’adres­ser (ils s’appel­lent, par exem­ple, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Robert Peugeot, Liliane Bettencourt, Bernard Arnault, etc.) ; et à l’inverse, il y a dans ce pays des mil­lions de per­son­nes à qui j’ai bien des choses à dire mais qui ne sont nul­le­ment « Français » : ce sont les tra­vailleurs immi­grés.
     C’est cela, entre autres, que signi­fie être « inter­na­tio­na­liste ». Pour moi, la divi­sion essen­tielle qui marque la société ne se fait pas sur la natio­na­lité, mais sur la classe sociale à laquelle on appar­tient.
     L’idée qu’il y aurait une com­mu­nauté d’inté­rêt, une soli­da­rité natu­relle, entre les per­son­nes par­ta­geant la même natio­na­lité, cache tou­jours un piège pour les tra­vailleurs. Les appels à la soli­da­rité natio­nale reten­tis­sent tou­jours avec d’autant plus de force que la situa­tion est cri­ti­que et dan­ge­reuse : lors des guer­res, et lors des crises.
     Lors des guer­res, par exem­ple lors des deux guer­res mon­dia­les du XXe siècle, on a fait vibrer la corde de la « patrie en danger » pour envoyer les tra­vailleurs au mas­sa­cre – les tra­vailleurs fran­çais aussi bien que les tra­vailleurs alle­mands, et tant d’autres. Déjà à l’époque, bien sûr, les diri­geants de la société, les médias, les partis poli­ti­ques, expli­quaient que toute la « com­mu­nauté natio­nale » devait par­ti­ci­per à l’effort de guerre. Au final, « l’effort de guerre » a été par­tagé… à la manière qu’affec­tion­nent les bour­geois : pour les tra­vailleurs, des mil­lions de morts et de bles­sés et des souf­fran­ces sans nom. Pour les patrons, de gigan­tes­ques béné­fi­ces réa­li­sés sur les com­man­des de guerre.
     Et il en va de même de la crise que nous tra­ver­sons : les Sarkozy et les Hollande n’ont à la bouche que « l’inté­rêt natio­nal », que « la néces­sité pour le pays de payer ses dettes ». Mais ces gens-là n’uti­li­sent ces termes que pour trom­per leur monde. Ils savent très bien, eux, que lorsqu’ils disent « néces­sité pour le pays de payer ses dettes », il faut enten­dre : « néces­sité pour les clas­ses popu­lai­res de ce pays de payer les dettes contrac­tées au profit de la grande bour­geoi­sie. »
     L’extrême droite a tou­jours fait du patrio­tisme et du natio­na­lisme son fonds de com­merce. Mais, depuis des décen­nies, la gauche fait de même. Le Parti socia­liste, puis le Parti com­mu­niste, ont chacun leur tour cédé aux sirè­nes du patrio­tisme, du chau­vi­nisme ridi­cule, des hom­ma­ges à Jeanne d’Arc et autres bali­ver­nes. Au point que le natio­na­lisme affi­ché par les diri­geants de gauche ne choque aujourd’hui plus grand-monde : il n’y a qu’à écouter Jean-Luc Mélenchon et ses hom­ma­ges, répé­tés à chaque mee­ting, à « notre patrie ».
     On en oublie­rait pres­que que le mou­ve­ment ouvrier, à ses débuts, s’est fondé sur le rejet absolu de tout natio­na­lisme, sur l’idée que les tra­vailleurs n’ont jus­te­ment pas de patrie, sur un combat sans relâ­che pour défen­dre la soli­da­rité inter­na­tio­nale des tra­vailleurs. « Prolétaires de tous les pays, unis­sez-vous ! », disait déjà le Manifeste com­mu­niste de 1848 : les tra­vailleurs du monde entier ne for­ment qu’une seule classe sociale, les ouvriers et les ouvriè­res du bout du monde, qu’on cher­che à nous pré­sen­ter comme des concur­rents – quand ce n’est pas comme des enne­mis – sont nos frères et nos sœurs ! Et nos enne­mis, nos pires enne­mis, c’est dans ce pays qu’ils se trou­vent : ce sont les capi­ta­lis­tes fran­çais.
     À la fin des mee­tings de Lutte Ouvrière, on ne chan­tera jamais la Marseillaise – comme le font le Parti Socialiste ou le Front de gauche. Parce que la Marseillaise n’a, aujourd’hui, plus rien à voir avec ce qu’elle a été il y a deux siè­cles : le chant de la révo­lu­tion fran­çaise. Elle est aujourd’hui ce que je déteste le plus, c’est-à-dire un chant patrio­ti­que, un chant qui exprime le poison natio­na­liste, le chant qu’on entonne dans les défi­lés mili­tai­res… et dans les mee­tings du Front natio­nal.
     Je laisse bien volon­tiers aux mili­tai­res et à l’extrême droite les chants patrio­ti­ques, où l’on veut abreu­ver ses sillons avec du « sang impur ». Mes cama­ra­des et moi, nous gar­dons L’Internationale, l’hymne des tra­vailleurs, le chant de la révo­lu­tion inter­na­tio­nale, le chant qui dit qu’un jour « l’Internationale sera le genre humain » !"


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